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Policarpa, le silence de ceux qui hurlent

Troisième édition

Policarpa, le silence de ceux qui hurlent

Ce roman, inspiré de faits réels, retrace la vie à Policarpa, village perdu dans la cordillère des Andes, au Sud de la Colombie. J’y ai vécu et travaillé pendant six ans.
* Vicente Villareal, fils illégitime d’un riche propriétaire, s’est juré de monter un empire encore plus grand que celui de son père. Il y parvient. La soif du pouvoir lui fera cependant tout perdre: sa fortune, sa notoriété et surtout l’estime de ses proches.
* Claribel, petite-fille de Vicente, refuse de suivre ses parents qui s’exilent en ville. Contre vents et marées, elle poursuit ses études au collège de Policarpa. Pas facile, tout particulièrement pour une fille, dès l’instant où celui qui est issu d’un milieu humble a peu de chances de s’en sortir.
* Michel Zufferey, jeune prêtre suisse, est nommé curé à Policarpa. Il se lance dans une lutte acharnée pour permettre à ses paroissiens de vivre plus dignement. Ce genre d’engagement n’est pas évident pour un étranger.
Les campesinos de Policarpa vivent dans une région peu touchée par la civilisation moderne. Même s’ils sont confrontés à un climat d’injustice sociale et de violence, ils rêvent d’un avenir meilleur. Leur joie de vivre, l’importance qu’ont pour eux des valeurs telles que la famille, l’amitié et la solidarité, tout comme leur goût inné pour la fête, voilà sans doute le moteur de cette espérance.
Le texte est illustré avec 38 photos en noir-blanc tirées durant mon séjour en Colombie.
La troisième édition a été publiée en 2022 aux Éditions Soleil Blanc, à Martigny.

La région de Policarpa

Un extrait de l'ouvrage (introduction) pour vous mettre dans l'ambiance

Policarpa, village d’environ mille habitants, situé sur les flancs de la cordillère occidentale des Andes, dans le sud de la Colombie, est le chef-lieu d’une commune qui porte le même nom. Celle-ci s’étend sur 550 km2. Près de la moitié de son territoire est délimité par le fleuve Patia. Ce cours d’eau coule du nord au sud, jusqu’à l’endroit où il est rejoint par la rivière Guaïtara. Là, il forme un angle droit, prend la direction de l’est et passe par la forêt vierge pour se déverser dans l’océan Pacifique.
Avec sa topographie accidentée, la région est riche en contrastes. Les berges du Patia se situent à quelque 500 mètres d’altitude, tandis que les sommets de la cordillère culminent à plus de 2’000 mètres. Le climat est torride et sec sur les rives déboisées du cours d’eau, tempéré et agréable dans le voisinage du village de Policarpa, à 1’000 mètres d’altitude. Sur les hauteurs, il fait plus frais. Au fur et à mesure qu’on s’approche de la forêt vierge, la chaleur humide devient oppressante.
Peu touchée par la civilisation moderne, la nature a préservé en grande partie son caractère sauvage. Riche et variée, la végétation tropicale donne aux paysages un air de jardin d’Eden. Cette comparaison ne s’applique qu’au charme de la région et à la prospérité de la nature. Les habitants de cet apparent paradis ont plutôt le sentiment de vivre en enfer. La région reste isolée du reste du monde et les autorités colombiennes ne se soucient guère de son développement. Voies de communication, santé, éducation, assistance technique et financière, ces termes, synonymes de progrès et de bien-être, le paysan ne les entend qu’en période électorale. Les politiciens en quête de suffrages les auront vite oubliés par la suite, qu’ils soient élus ou non.
Les habitants de Policarpa vivent en marge de la société moderne et les inégalités sur le plan social rendent cette situation encore plus déplorable. Une minorité de personnes – appartenant à quatre ou cinq familles – possède une grande partie des terres cultivables. Elle monopolise le secteur commercial et politique. Le reste de la population vit dans une situation de dépendance et de misère, parfois extrême.
J’ai vécu à Policarpa durant six ans – de 1973 à 1976 et de 1981 à 1983. Même si les années ont passé et si des milliers de kilomètres me séparent de la Colombie, je suis resté attaché à Policarpa qui est devenu en quelque sorte « mon » village. Aujourd’hui encore, je sens le besoin de parler de ses habitants, les amis avec qui j’ai partagé un tronçon de vie. Leur mode d’existence m’a fortement marqué. En 1973 – date à laquelle je suis arrivé dans la région – le village n’était pas accessible en voiture. Pour y parvenir, en partant de Pasto, la capitale départementale, il fallait compter trois à quatre heures en camion ou en jeep, puis quatre heures à pied ou à dos de cheval. Pourtant, à vol d’oiseau, il s’agit d’une distance de quelque 50 kilomètres. La topographie fortement accidentée et l’état des routes non asphaltées, souvent à la limite du carrossable, donnent aux distances une dimension inimaginable chez nous. Un réseau de chemins muletiers relie le village aux différents hameaux disséminés jusqu’au cœur de la forêt vierge. A l’époque, dans toute la région, il n’y avait pas d’électricité, ni de téléphone ; un seul poste de santé pour 10’000 habitants, mais pas de médecin et pour ainsi dire pas de médicaments.
En discutant avec les gens de Policarpa, j’ai constaté que la région avait une histoire des plus intéressantes. Pourtant, aucune trace écrite n’existait. Dans l’espoir de combler cette lacune, j’ai passé des heures à discuter avec six ou sept personnes âgées. Je leur ai posé des questions, je les ai invités à parler de leurs souvenirs. J’ai pris des notes, en espagnol. Mon intention était de laisser une histoire écrite au village. Lorsque, par la suite, j’ai relu mes écrits, j’ai dû me rendre à l’évidence que mon projet était difficilement réalisable. Je ne disposais pas d’une seule histoire, mais de six ou sept histoires différentes. En laissant s’exprimer mes interlocuteurs, j’avais ignoré une qualité extraordinaire du campesino, lui qui a ce don de parler, de raconter des récits en les enjolivant et en ajoutant des anecdotes de son cru.
Je ne suis pas historien. Comment pouvais-je distinguer la vérité de la fiction ? Dans un premier temps, j’ai abdiqué. J’ai remisé mes notes et j’ai essayé de les oublier. Plus tard, de retour en Suisse, je les ai relues et j’ai découvert que j’avais une matière première précieuse. Je m’en suis inspiré pour rédiger le roman que j’avais l’intention de rédiger. A l’exemple des paysans qui m’ont confié leurs histoires, j’ai imaginé la mienne. Je me suis écarté de la réalité. J’ai inventé des personnages et j’ai créé un fil conducteur dans l’intention de rendre le récit plus accessible et plus agréable à lire.
L’histoire commence au mois de mars 1973, époque où moi-même je suis arrivé pour la première fois en Colombie.
Attention ! En lisant ce roman, il est important de tenir compte que je parle de la situation sociopolitique de la Colombie telle que je l’ai vécue entre 1973 et 1983 et telle que me l’ont décrite ceux que j’ai côtoyé pendant cette période.
Pour créer les personnages qui figurent dans le présent récit, je me suis inspiré de personnes qui ont existé et que j’ai connues. Par respect pour celles-ci, j’ai modifié leurs noms et j’ai fait en sorte qu’on ne les reconnaisse pas.

Policarpa, le silence de ceux qui hurlent

Attention : les textes et les photos se rapportent uniquement à la période durant laquelle j’ai vécu en Colombie (1973 – 1976; 1981 – 1983).
Atención: los textos y los retratos corresponden únicamente al periodo en el cual viví en Colombia (1973 – 1976; 1981 – 1983).

Les photos qui illustrent le roman

Le village de Policarpa avec, sur la gauche, le Cerro de Sotomayor, montagne partiellement voilée par le brouillard.
«Hay campesino, qué largo caminar...» Paysan, que de chemin à parcourir... D'un jour à l'autre, la vie du paysan colombien, tout particulièrement celui qui ne possède pas de terres, peut basculer et se convertir en calvaire.
Le village de Madrigal, aux abords de la forêt vierge. Difficile de s’imaginer qu’au seizième siècle une importante ville était édifiée à cet emplacement.
Sourire forcé, sourire malicieux, sourire spontané, sourire masqué. Une mosaïque de sourires et… quelques dents en moins !
Le désert s’enroba d’un coloris vermeil, baigné par les rayons du soleil. En ce début de crépuscule, l’astre jouait avec les grains minuscules du sable qu’il faisait scintiller allègrement, telle une nuée d’étoiles dans le firmament. Il faut savoir écouter le silence pour interpréter toutes ses nuances. Alors seulement, tu pourras entendre le hurlement qui émane des cendres, reliques des cadavres de ces gosses qui continuent à crier en silence
Méandres du Patia, entre Egido et La Toldada
Des muletiers conduisent des mules par le « Suspiro », passage escarpé et étroit, sur le chemin qui mène de Policarpa à Puerto Rico, par le pont de la Guasca.
Dans une région comme Policarpa, la mort fait partie intégrante de la vie de tous les jours. Naissances et décès se succèdent à cadence régulière.
La vie ne tient qu’à un fil. Sa fragilité banalise les accidents, la maladie et la mort à tel point qu’on s’y habitue.
A Policarpa, les femmes issues d’un milieu modeste sont doublement exploitées. D’une part, le système social engendre injustices et discriminations. Il limite leur émancipation. D’autre part, en raison du machisme, la plupart des hommes ne les aident pas à prendre en main leur destin.
Le pont de la Guasca et les baraquements de Puerto Rico.
Les enfants sont l’espoir de l’humanité. Ils détiennent la clé de notre destinée et sont appelés à créer notre avenir. Comment s’y prendront-ils pour mieux le définir ? Sauront-ils imaginer un monde meilleur, où chacun connaîtra la paix et le bonheur ?
L’église de Policarpa et sa tour en béton armé.
Le marché de Pasto…
…dans les alentours de l’hôtel Roma.
Au marché de Policarpa, un porc a été dépecé. Filet, viande grasse, viande avec os, abats, lard, tête, pattes, queue et cuir, tout est à vendre.
En ville comme à la campagne, de nombreux enfants n’ont pas la chance d’aller à l’école. Certains se débrouillent pour gagner un peu d’argent en travaillant. Désœuvrés, d’autres traînent dans la rue.
Bogota…
…une ville aux contrastes inimaginables.
Comme Claribel, cette jeune vendeuse propose ses journaux aux passants
Ecrivain public sur la place principale de Cali.
Encore fillette et déjà une vraie petite maman, lorsqu’elle s’occupe de sa sœur cadette.
Des enfants apportent le repas à leurs parents qui travaillent dans des champs, à l’écart du village.
Les porteurs passent par l’éboulement. Avec de lourdes charges sur le dos ils prennent des risques considérables.
Trois membres du syndicat de la Toldada trient des semences, sous l’œil attentif de leurs filles.
Même s’ils vivent une réalité diamétralement différente, sur le chemin des écoliers, les enfants de Policarpa sont tout autant gais et espiègles que les enfants suisses.
Enfants noirs sur la terrasse d’une hutte, à Sanchez. Plus on s’approche de la forêt vierge, plus la population a des racines africaines. Il s’agit de descendant plus ou moins directs d’esclaves noirs qui se sont enfui et ont été s’établir sur les rives du Patia.
Fête à Desplayado, village situé au cœur de la forêt vierge.
Chercheur d’or, dans les alentours de Fenicia, à une demi-journée de marche de Desplayado.
Un éleveur soigne son coq, après le combat.
Jour de marché, le dimanche matin, à Policarpa.
Et si ce sourire malicieux et rayonnant augurait une lueur d’espoir pour l’avenir de ce jeune campesino ?
Les mimiques et les regards amusés de ces enfants peuvent être interprétés de différentes façons. Qu’est-ce qui passionne et divertit à ce point les enfants ?
Caprices de la météo, prix du transport, fluctuation des cours des produits agricoles et surtout puissance de quelques négociants qui monopolisent le marché. Le salaire du campesino dépend de facteurs variés, voire fantaisistes.
Mégapole aux mille visages, dès l'instant où éclatent des conflits sociaux…
…Bogota peut se muer en véritable poudrière.
Avant de quitter leur village, la plupart des campesinos considèrent la ville comme un eldorado.
Une fois sur place, au contact avec la réalité quotidienne, cette vision utopique se transforme souvent en une cruelle désillusion, voire en un tragique cauchemar
Plage idyllique, au bord de l’Océan Pacifique.
Cavalier solitaire, Claude Maier, sur le chemin entre Egido et Sanchez.
Les chemins de la vie conduisent notre destin.
Nous ne sommes pas maîtres du voyage qui nous mène à travers le temps. Au gré du vent, au gré des ans, le tracé de notre existence peut prendre la forme d’une aventure dont la destination finale se dessine comme un point d’interrogation.